mercredi 29 octobre 2014

L'avortement "secret" et médicamenteux d'Alex

J'avais 24 ans lorsque j'ai avorté, le 17 octobre 2008. Je venais de terminer un stage de fin d'études (6 mois de stage pour l'obtention d'un master) et j'étais en CDD de 2 mois.
Mes règles n'ont jamais été régulières. J'avais 5 jours de « retard », mais ça ne m'inquiétait pas vraiment, je me disais que mes règles finiraient bien par arriver, comme toujours, et c'est en discutant un soir avec un ami (le 5 octobre 2008) que j'ai commencé à "paniquer". J'ai donc décidé d'effectuer un test de grossesse le lendemain.

Le 6 oct. 2008, j'ai donc acheté le test, puis je suis rentrée chez moi le midi et j'ai fondu en larmes devant le résultat du test, il était positif... Je me suis effondrée, la veille tout allait bien dans le meilleur des mondes et à cet instant, j'ai cru que le monde s'écroulait. Ça faisait tout juste 4 mois et demi que j'étais avec le "papa" et il était hors de question, pour lui comme pour moi d'avoir un bébé, nous avions déjà évoqué le sujet et déjà choisi la solution si je venais à tomber enceinte.

Après lecture du résultat du test, je n'ai eu aucun doute, ayant déjà réfléchi à cela avant, je savais que j'allais devoir avorter, parce que le bébé n'était désiré ni par mon copain ni par moi, nos parents n'auraient pas sauté de joie non plus, notre relation était toute récente, je venais à peine de terminer mes études, avec un CDD de 2 mois en poche mais avec aucune autre perspective que le chômage et le retour chez mes parents, mon compagnon (plus jeune que moi) était loin d'avoir terminé ses études et vivait chez ses parents, donc tous les arguments étaient en faveur de l'ivg.

A partir de ce moment, j'ai décidé d'entamer les démarches le plus rapidement possible parce que je n'étais pas du tout sûre de la date de conception et je redoutais le pire (être hors délai pour l'ivg), et puis je devais quitter la ville où je vivais fin octobre pour retourner vivre chez mes parents et il était hors de question que mes parents apprennent que j'étais enceinte et que je voulais avorter. J'ai choisi de toute faire toute seule, sans prévenir qui que ce soit (excepté l'ami qui m'a fait prendre conscience que j'étais peut-être enceinte), tout simplement par peur. J'avais peur de lire de la déception ou de la honte dans le regard de mes parents et de mon compagnon. Je pense que ma maman aurait été très affectée par cela. Et puis il y avait aussi le fait que mon compagnon avait déjà été confronté à l'ivg avec une de ses ex et il l'avait très mal vécu. Il m'a dit que suite à l'ivg, il ne voyait plus sa copine de la même manière et finalement il l'a quittée à cause de cela, et je sais que je n'aurais pas supporté qu'il me quitte moi aussi. J'ai donc choisi de garder le secret.


Le lundi soir en débauchant, je me suis donc rendue au centre de planification de l'hôpital mais il était déjà fermé. J'y suis retournée le lendemain midi (mardi 7), j'ai été reçue par une femme avec un accueil froid mais elle est restée neutre, elle n'a pas cherché à influencer mon choix. Je me suis malgré tout mise à pleurer devant elle, puis elle m'a posé quelques questions, elle m'a demandé de quand dataient mes dernières règles, pour pouvoir estimer le stade de la grossesse. A priori, j'en étais à 5 semaines d'aménorrhée (soit 3 semaines de grossesse). Elle m'a donc dit que ce serait une IVG médicamenteuse. Elle m'a donné une ordonnance pour effectuer une échographie de datation pour confirmer mes dires et le choix de la méthode.

Tout de suite après, je me suis rendue au service de radiologie de l'hôpital pour prendre rendez-vous pour l'échographie. J'ai obtenu un rendez-vous pour le jeudi suivant. Le jeudi 9, à 15h, je suis donc allé passer l'échographie. Le médecin qui a pratiqué l'échographie était un homme, il savait que c'était pour une IVG, il ne m'a pas adressé la moindre parole ni le moindre regard, il avait tourné l'écran et coupé le son pour que je ne vois ni n'entende quoi que ce soit. Il "communiquait" avec moi par infirmière interposée, a pris soin de placer mon dossier au coin du bureau, s'est levé et est parti sans dire un mot. L'infirmière présente m'a confirmé que les résultats étaient cohérents avec mes dires. Je suis ensuite sortie de la salle d'échographie avec les clichés et je n'ai pas pu m'empêcher de regarder les résultats. Verdict, j'étais enceinte de 5 semaines d'aménorrhée et 4 jours et le sac ovulaire mesurait 1,6 cm. En regardant les images, j'ai été vraiment soulagée de ne voir qu'une petite tache noire et non pas un semblant d'embryon.

Immédiatement après l'échographie, je suis retournée au centre de planification, j'ai été reçue par la même femme qui m'a alors fourni les coordonnées d'un médecin généraliste (avec une habilitation spéciale en gynécologie) qui pratique les IVG médicamenteuses. Je me suis donc rendue dans la foulée au cabinet de ce médecin pour prendre rendez-vous. J'ai obtenu un rendez-vous pour le lundi matin suivant.

Le lundi 13 oct. à 9h, j'ai donc été reçue par le médecin généraliste. Je lui ai donné mes résultats d'échographie et me suis de nouveau mise à pleurer. Il m'a demandé si j'en avais parlé à quelqu'un, je lui ai répondu que mes proches n'étaient au courant de rien et que je ne voulais pas qu'ils l'apprennent. Il m'a répondu que ce serait peut-être mieux, parce que je pourrais avoir besoin de soutien mais je ne voulais pas. Il m'a ensuite examinée (par un toucher du col de l'utérus) et m'a expliqué succinctement les démarches puis m'a fait signer les papiers. Comme j'étais loin de chez moi temporairement, mon courrier continuait d'arriver chez mes parents et j'avais peur qu'un papier de la sécurité sociale n'arrive chez eux et n'attire l'attention de mes parents (ma maman ouvre régulièrement "par erreur" du courrier m'étant destiné, je ne voulais donc pas prendre de risque), j'ai alors demandé au médecin de ne pas utiliser ma carte vitale et je l'ai payé en liquide, pour ne laisser aucune trace (puisque mon relevé bancaire aurait pu être consulté par mes parents).

A l'issue de la consultation, je me suis rendue à la clinique pour prendre rendez-vous pour la prise du premier médicament pour le mercredi 15 (mifégyne) et pour réserver une chambre pour l'IVG proprement dite (ce médecin pratique les IVG uniquement en clinique) pour la matinée du vendredi 17. Là aussi, j'ai tout payé en liquide et chaque jour je procédais à plusieurs retraits de petites sommes pour ne pas éveiller les soupçons de mes parents (au cas où ils consulteraient mes relevés).

Le mercredi 15, à 9h je suis allée à la clinique, j'ai été reçue par une femme. Elle a été vraiment très gentille, très patiente, m'a expliqué le processus, a répondu à toutes les questions que je me posais et m'a donné le comprimé de mifégyne. Je suis sortie de là un peu plus rassurée parce que je savais mieux comment les choses allaient se dérouler (le généraliste m'avait expliqué comment on procédait en terme de chronologie des prises de médicament alors que cette femme m'a décrit les choses de façon plus "concrète" en me parlant des douleurs, des saignements, etc.).

Le lendemain (jeudi 16), 36h après la prise du premier médicament, j'ai eu un saignement rouge vif, très fluide et à ce moment là, j'ai été très soulagée, je me suis dit "ouf, ça fonctionne" et à partir de ce moment, je me suis dit que mon problème allait bientôt être résolu et que je pourrai reprendre normalement le cours de ma vie.

Le vendredi 17, à 9h00, je suis retournée à la clinique, pour la prise du 2ème médicament. Un infirmier est venu à ma rencontre et m'a indiqué ma chambre. J'ai patienté une vingtaine de minutes, et personne ne venait, alors je suis allée à la salle de repos des infirmières, pour savoir si quelqu'un allait venir s'occuper de moi, on m'a répondu que mon infirmier viendrait quand il aurait fini ce qu'il avait à faire. Je suis donc retournée à ma chambre et j'ai patienté encore un peu.

A 9H30, l'infirmier est venu prendre ma tension et un autre m'a apporté deux comprimés de cytotec. J'ai pris les comprimés, puis au bout d'une demie heure, j'ai commencé à avoir mal au ventre, j'ai ressenti un pic de douleur puis...plus rien. La douleur s'est estompée et je n'ai rien eu, pas de contraction, pas de saignement, pas d'expulsion, rien.

L'infirmier est repassé prendre ma tension puis m'a demandé où en était le processus, je lui ai répondu qu'il ne s'était rien passé. Il a alors ajouté que le médecin allait passer m'examiner. J'ai alors commencé à paniquer, les choses ne se passaient pas du tout comme prévu, je me suis dit que je ne devais pas être réactive au médicament... L'infirmier est ensuite revenu pour m'injecter l'anti immunoglobuline (étant de rhésus négatif). Vers 10h30, le généraliste m'a auscultée. Je lui ai dit que rien ne s'était passé. Il a palpé mon ventre et l'a trouvé très (trop) souple. Il a alors demandé à l'infirmier de me donner deux comprimés supplémentaires.

Une fois le médecin parti, l'infirmier m'a donné les comprimés, a pris ma tension et a constaté qu'elle était remontée. Il a donc ajouté que je pouvais partir dès que je le souhaiterais (j'ai senti dans sa façon de me parler que plus tôt je partirais, plus vite il pourrait retourner en salle de repos discuter avec la dizaine de collègues déjà présente dans la salle...). J'ai donc pris les deux autres comprimés. Comme précédemment, j'ai ressenti un pic de douleur 30 min après la prise, puis la douleur s'est de nouveau estompée, et toujours pas de contraction ni de saignement...

L'infirmier est revenu prendre ma tension, m'a donné un anti douleur et m'a dit une fois de plus que je pouvais partir si je le souhaitais. Je lui ai dit que le médicament ne semblait pas faire effet et je lui ai demandé quand le médecin allait repasser. Il m'a répondu qu'il ne repasserait pas et que par conséquent cela ne servait plus à rien que je reste... Grosse désillusion, j'ai commencé à avoir très peur, à pleurer, ce que je redoutais le plus était en train de se produire, la méthode médicamenteuse échouait...

A ce moment là, j'ai décidé de suivre les conseils que j'avais lus sur les forums, il était conseillé de marcher, pour aider le processus (par gravité). Je me suis donc mise à faire les cent pas, en espérant que cela fonctionnerait. Au bout de quelques minutes, j'ai senti un saignement arriver. Je me suis précipitée aux toilettes et mon saignement a duré 5 min.

J'ai alors appelé l'infirmier pour qu'il vienne confirmer (ou non) l'expulsion de l'oeuf. Il est arrivé au bout de 15 min et quand il a su pourquoi je l'appelais, il m'a répondu que ce n'était "pas la peine d'appeler pour ça, qu'on ne regardait pas systématiquement ce qui était expulsé et que de toutes façons, c'était microscopique", qu'il ne verrait rien, qu'il ne pourrait rien confirmer du tout et puis il est reparti... Je me suis remise à pleurer, j'étais paniquée et l'infirmier ne cherchait absolument pas à m'aider... S'il avait pris la peine de lire mon dossier, il aurait vu que j'en étais à presque 7 semaines et que l'oeuf mesurait environ 2 cm à ce stade, il était donc loin d'être microscopique...

Je suis alors retournée aux toilettes, je n'avais pas tiré la chasse d'eau puisque l'infirmier était censé regarder, j'ai donc décidé de regarder par moi même si l'oeuf se trouvait au milieu des caillots de sang que j'avais expulsés. Pardon par avance pour les détails, petit à petit, le sang s'est dilué dans l'eau et une forme a attiré mon attention. J'ai donc pris le sac en plastique de la poubelle pour récupérer ce que je soupçonnais être l'oeuf. Je l'ai récupéré au fond des toilettes, et je l'ai observé pendant plusieurs minutes. Plus je l'observais et plus j'étais sûre qu'il s'agissait bien de l'oeuf.

C'était une sphère un peu ovale, grise rosée, duveteuse, à l'aspect d'une mûre granuleuse et reliée à caillot de sang rouge sombre en forme d'étoile (pour moi c'était le placenta). Après avoir passé ces quelques minutes à l'observer, j'ai appelé de nouveau l'infirmier pour qu'il regarde ce que j'avais sorti des toilettes. Il n'a même pas franchi le seuil de la salle de bain, et m'a de nouveau dit que ce n'était pas la peine de regarder. Devant mon insistance, il a fini par avancer un peu dans la salle de bain, s'est dressé sur la pointe des pieds, a regardé de loin ce qu'il y avait au fond du sac. Il m'a dit "peut-être que oui, peut-être que non", il n'a pas voulu se prononcer... J'ai alors éclaté en sanglots devant lui et je lui ai dit que je voulais rentrer chez moi. A ce moment là, il s'est un peu radouci et m'a proposé (pour la première fois) de rester un peu plus longtemps si je voulais et a ajouté qu'un repas me serait apporté. J'ai refusé et lui ai dit que je voulais rentrer chez moi. Il m'a alors demandé si quelqu'un devait passer me récupérer et je lui ai dit que je rentrais chez moi seule, en voiture et il m'a laissée partir.

Je suis donc rentrée chez moi, et j'ai passé l'après-midi et la soirée dans mon lit, sans bouger. Mes maux de ventre se sont peu à peu dissipés et je n'ai pas eu de saignement. Comme je ne savais pas si mon IVG avait fonctionné, je suis allée poster mon témoignage sur un forum, pour avoir un avis concernant mon éventuelle expulsion. Les filles sur le forum m'ont plutôt rassurée, pour elles, cela avait fonctionné. Néanmoins, il me fallait attendre l'échographie de contrôle pour être réellement certaine du résultat.

Dès le lendemain, je ne ressentais plus aucune douleur abdominale et les saignements ont commencé. Le léger dégoût matinal pour la nourriture qui était apparu la dernière semaine a disparu à partir de ce jour. Cela m'a confortée dans l'idée que l'ivg avait bien fonctionné.

J'ai passé l'échographie de contrôle le lundi 27 octobre (soit 10 jours après l'ivg), mon compagnon et mes parents me croyaient au travail, ils ne se sont donc doutés de rien. Pendant l'examen, le médecin a confirmé que l'ivg avait bien fonctionné mais qu'il restait des caillots à éliminer et par conséquent, mes saignements allaient durer encore quelques temps. En sortant de la clinique, j'ai été plus que soulagée, c'était la délivrance, j'ai retrouvé le sourire, et je pouvais définitivement refermer la parenthèse sur cette étape de ma vie.

Pendant ces 3 semaines, comme je voulais garder mon ivg secrète, je n'ai rien laissé transparaître devant tout mon entourage, mes proches, mon compagnon (alors que notre relation était tendue parce qu'il supportait très mal notre relation à distance, il me rendait responsable de notre situation et m'a beaucoup faite culpabiliser à cette période, alors que je n'avais pas besoin de cela à ce moment là, mais j'avais décidé de ne rien lui dire, j'ai donc pris sur moi et j'ai tout supporté, seule).

Avant d'avoir recours à l'ivg, j'avais beaucoup de préjugés, je pensais que l'ivg était synonyme de souffrance, j'avais lu de nombreux témoignages de filles et la plupart confirmaient ce que je pensais, et finalement, j'ai été surprise (dans le bon sens), parce que pendant ces 3 semaines, j'ai su être forte et affronter tout cela seule. Psychologiquement, j'ai très bien vécu mon ivg (je n'avais aucun doute sur mon choix) et même si j'ai détesté l'infirmier censé s'occuper de moi et que j'ai connu le doute et l'angoisse dans l'attente des résultats de l'ivg, globalement, tout s'est bien passé, et surtout rapidement. Physiquement, les douleurs après la prise de cytotec étaient fortes, mais supportables.

Aujourd'hui, cela fait plus de 5 ans que j'ai avorté, le grand soulagement est toujours présent, et je ne regrette toujours pas ma décision. Je suis toujours avec mon compagnon, les tensions se sont apaisées à mon retour. Nous sommes heureux ensemble. Je ne me sens toujours pas prête à être mère et si je l'avais gardé, je serais déjà maman depuis juillet 2009. Je sais que j'ai fait le bon choix. Encore aujourd'hui, mon compagnon et ma famille ignorent que je suis tombée enceinte et que j'ai avorté. Je ne pense pas leur en parler un jour. Vivre avec ce secret n'est pas un fardeau.

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