lundi 2 octobre 2017

L'IVG de Tara

Note de la Rédaction :
Nous n'aimons pas trop parler de l'embryon comme de "bébé" ni de la femme enceinte sur le point d'avorter comme "maman", pour la simple raison que ce n'est pas un bébé, et que ce sont bien souvent les termes qu'emploient les groupes "pro-vie" pour culpabiliser les femmes qui choisissent d'interrompre une grossesse. 


Il y a 12 ans j'ai fait le choix de pratiquer un IVG, un choix qui fut réfléchi même si toujours douloureux.

Il y a 13 ans j'ai rencontré un homme, histoire d'amour très forte, on parlait enfants, vie future, puis un été, en voulant s'amuser, nous sommes tombés dans la drogue, nous nous sommes enfoncés de plus en plus, nos rêves se sont perdus dans le produit.

Et puis un jour, petit miracle, je portais le fruit de cet amour. On était tellement heureux, je me touchais le ventre, lui parlais, mais je continuais à consommer, de plus en plus, ne sachant même plus quel jour ni quelle heure il était... oubliant parfois cette petite vie qui grandissait en moi, bien au chaud dans mon ventre, mon bébé, fruit d'un amour, mais enfant de toxicomanes...

Jusqu'au jour où après une grosse dispute avec mon ami, je me suis rendue compte du milieu où on allait le faire naître cet enfant, il n'était peut-être encore qu'un embryon mais j'étais déjà sa mère et je me devais de choisir au mieux pour lui.

J'ai d'abord pensé arrêter, mais je n'étais pas seule, il y avait mon ami aussi, qui avait finalement trouvé refuge dans la drogue et oubliait une enfance compliquée. Comment dire à son enfant que son père ne pouvait se passer de sa drogue ? Aurait-il des droits sur cet enfant si je le quittais pour l'élever seule ? Avais-je le droit de lui imposer ça ? Et moi ? Est-ce que je serais assez forte pour arrêter de me droguer ? Et si cet enfant avait aussi des séquelles à cause de moi ? Ai-je le droit de donner la vie n'importe comment et peut-être le condamner à être malade ou handicapé ? Pourtant je l'aimais déjà tellement.



J'ai donc pratiqué une IVG médicamenteuse, à l’hôpital, où j'ai été hospitalisée en ambulatoire, je ne pensais ni à la douleur, ni au déroulement de l'acte, je pensais juste à ce petit être que j'allais perdre. Cela s'est passé sans problème, j'ai commencé, après la prise du cachet , à sentir des contractions et à saigner, les douleurs étant un peu plus fortes que celles que l'on a lors de nos règles,  j'ai refusé de prendre les anti-douleurs, choix personnel, je me devais de l'accompagner jusqu'au bout, de ressentir son départ. Puis les contractions l'ont expulsé alors que j'allais aux toilettes, chose qui fut le plus dur pour moi, on ne nous prépare pas à ça, on ne nous demande pas ce que l'on peut ressentir psychologiquement, me dire qu'il était là dans les toilettes... mon petit ange. Une fois expulsé, on m'a laissé sortir de l’hôpital, et je suis partie, avec ces images, c'est ça le plus dur, se dire que l'on arrête un début de vie, se dire qu'il a fini dans les toilettes.. Les puritains nous diront que c'est une honte de ressentir cette peine, que nous tuons des bébés,  mais qu'en savent ils ?!! Le choix de cet acte est réfléchi et une fois la porte de l’hôpital passée, il y a toute une étape de deuil à faire, la culpabilité ressentie, la tristesse, mais le temps aide à nous faire comprendre que c'était la meilleure chose à faire. 


C'est en tant que mère que j'ai pris, à mon sens, la meilleure des décisions, j'ai choisi l'IVG, je lui ai donné le droit de ne avoir cette vie si chaotique, le droit de ne pas être un enfant de toxicomanes, de parents perdus, le droit de ne pas vivre malade. Je lui ai dit au revoir en mars 2005 et une semaine après je disais au revoir à son père qui mourait d'une crise d'épilepsie... j'en aurais aussi fait un orphelin.

Je ne regrette pas ma décision même si ça fait 12 ans que je pense à lui, lui aurait-il ressemblé ? Il est facile de juger les femmes qui font ce choix, il est facile de juger une vie qu'on ne vit pas. Je suis convaincue aujourd'hui que j'ai fait le bon choix, aussi douloureux qu'il puisse être, car c'est aussi ça être une mère, faire des choix pour que nos enfants soient heureux, et il est plus heureux sans avoir à vivre cette vie que j'allais lui offrir... les anges ne doivent pas vivre en enfer.




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